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EMPA-REG OUTCOME, une étude qui fera date !

Par le Pr André Scheen, Président de la SFD

 

Les résultats de l’essai clinique EMPA-REG OUTCOME ont été présentés au congrès de l’EASD à Stockholm le 17 septembre 2015 et publiés simultanément dans le New England Journal of Medicine. Cet essai prospectif contrôlé versus placebo a montré que l’empagliflozine, un inhibiteur sélectif des SGLT2, réduit le critère d’évaluation principal (regroupant les événements cardiovasculaires majeurs) de 14 %, mais, de façon encore plus remarquable, diminue la mortalité cardiovasculaire de 38 % et la mortalité totale de 32 % dans une population diabétique de type 2 avec des antécédents cardiovasculaires (prévention secondaire). Les résultats sont d’autant plus remarquables que la plupart de ces patients bénéficiaient déjà des médicaments classiquement prescrits pour assurer la meilleure protection cardiovasculaire possible. Enfin, la réduction de la mortalité cardiovasculaire est apparue dès les premiers mois de l’essai, ce qui est étonnant en comparaison avec ce qui est habituellement observé avec les médicaments contre les facteurs de risque de l’athérosclérose (statines, par exemple).

EMPAREG OUTCOME fera assurément date dans l’histoire de la diabétologie et de la prise en charge du diabète de type 2. Il s’agit, en effet, de la première étude démontrant un effet, aussi spectaculaire qu’inattendu à vrai dire, sur la mortalité cardiovasculaire et la mortalité toutes causes, raison qui nous semble justifier cette petite mise au point.

Cette étude clinique, comme beaucoup d’autres, apporte des réponses, mais soulève également une série de questions auxquelles il conviendra de répondre dans les prochaines années. Il est sans doute intéressant d’en citer quelques-unes susceptibles d’alimenter la réflexion. La SFD est heureuse de les partager avec vous.

  1. Comment expliquer une telle diminution de mortalité alors qu’il n’y a pas de réduction significative des infarctus du myocarde ni de diminution des accidents vasculaires cérébraux ?
  2. Quelle est la part de la réduction de la mortalité observée qui peut  être attribuée à une diminution modeste, mais simultanée,  de plusieurs  facteurs de risque (HbA1c, poids corporel, tour de taille, pression artérielle, acide urique) ?
  3. La réduction de mortalité observée précocement peut-elle s’expliquer, et pour quelle part, par l’effet diurétique osmotique et une diminution des risques liés à l’insuffisance cardiaque (diminution des hospitalisations de 35 %) ?
  4. Faut-il faire appel à un autre mécanisme encore inconnu, comme par exemple, un effet anti-arythmique (éventuellement suggéré par la diminution notable des morts subites) ?
  5. La protection observée avec l’empagliflozine dans EMPA-REG OUTCOME est-elle spécifique à ce médicament ou s’agit-il d’un effet de classe partagé par les autres inhibiteurs des SGLT2 (ceux-ci sont actuellement testés dans d’autres essais toujours en cours) ?
  6. Les résultats bénéfiques observés en prévention secondaire dans EMPA-REG OUTCOME pourraient-ils être également observés dans une population diabétique de type 2 à un stade plus précoce de la maladie, en prévention primaire ?
  7. Comment expliquer qu’il n’y a aucune différence observée entre les deux doses d’empagliflozine testées, 10 et 25 mg par jour  et quelle est l’avenir de la dose de 25 mg ?
  8. Comme l’effet observé ne peut s’expliquer par la faible diminution d’HbA1c (semblable diminution a montré une non-infériorité mais pas de supériorité dans trois essais avec des inhibiteurs de la DPP-4), la perspective n’est-elle pas d’explorer rapidement les effets protecteurs de l’empagliflozine dans une population non diabétique à haut risque cardiovasculaire, en particulier chez des patients avec une insuffisance cardiaque ?
  9. Quelle sera l’impact des résultats d’EMPA-REG OUTCOME sur les futures recommandations de prise en charge des patients diabétiques de type 2, en particulier sur le positionnement des inhibiteurs des SGLT2 ?

En conclusion, l’étude EMPA-REG OUTCOME, situé aux confins de la diabétologie et de la cardiologie, appellera sans doute encore davantage à une collaboration étroite entre les acteurs de ces deux disciplines et ouvrira, à n’en pas douter, de nouvelles portes pour optimiser la prise en charge des patients diabétiques de type 2. Au vu des résultats d’EMPA-REG OUTCOME, l’empagliflozine pourrait devenir un médicament incontournable pour la prévention secondaire cardiovasculaire des patients diabétiques de type 2, à l’instar d’autres médicaments comme les statines.