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HbA1c : attention aux pièges

Auteur : 
Pr. Patrice Darmon
QDM - Numéro : 
Le Quotidien du Médecin N°9318
Date parution : 
Lundi 14 Avril 2014

Elément incontournable du suivi des diabétiques, la mesure de l'HbA1c recèle toutefois quelques pièges, dans son dosage comme dans son interprétation.

 
Qu’est-ce que l’HbA1c ? [1-2]

L’hémoglobine glyquée A1c (HbA1c) correspond à la fraction d’Hb exposée à la glycation non enzymatique de la partie N-terminale de la chaine bêta de l'Hb A en cas d’élévation de la glycémie. Compte tenu de la durée de vie des érythrocytes (?120 jours), le taux d’HbA1c est influencé par les glycémies des 4 derniers mois, mais les glycémies des 30 jours précédents sont responsables de 50% de sa valeur. L’HbA1c constitue l’outil incontournable du suivi des patients diabétiques, son niveau reflétant l’équilibre glycémique moyen des 2 à 3 mois passés. Les grandes études d’intervention menées dans le diabète de type 1 comme de type 2 ont bien démontré le lien entre HbA1c et complications du diabète, principalement micro-vasculaires.

 

Dosage de l’HbA1c

Le dosage de l’HbA1c s’est progressivement affiné et standardisé au fil des années. Toutes les méthodes de mesure doivent désormais être calibrées sur la méthode de référence de l’IFCC (International Federation of Clinical Chemistry), méthode coûteuse basée sur la spectrométrie de masse et réservée à quelques laboratoires dans le monde. En routine, la méthode la plus fiable est la chromatographie en phase liquide à haute performance (HPLC). Les résultats de l’HbA1c sont rendus classiquement en % d’Hb (valeurs normales idéalement entre 4 et 6%) mais aussi désormais en unités IFCC (mmol/mol = mmol HbA1c/mol Hb) via une formule de conversion. Le dosage d’HbA1c présente une faible variabilité intra-individuelle (< 2%) et peut être réalisé chez un sujet non à jeun.

 

HbA1c et moyenne glycémique

L’étude ADAG menée chez 507 adultes diabétiques et non diabétiques a fourni une formule de référence permettant de définir le niveau glycémique moyen en fonction de l’HbA1c [3]. Les laboratoires doivent aujourd’hui rendre la glycémie moyenne correspondant à l’HbA1c afin de permettre aux diabétiques de mieux appréhender leur niveau d’équilibre : par exemple, une HbA1c à 10% signifie que la glycémie moyenne lors des 3 derniers mois était de 2,40 g/l. Cependant, environ 20% des patients présentent des taux d’HbA1c plus bas ou plus élevés qu’attendus avec la formule prédictive. La relation entre moyenne glycémique et HbA1c est influencée par divers facteurs notamment l’âge, l’origine ethnique, l’âge moyen des hématies, et la variabilité interindividuelle de l’intensité du processus de glycation, dont l’origine est surtout génétique [4]. La répétition des hypoglycémies peut aussi diminuer l’HbA1c, qui peut ainsi être faussement rassurante chez un patient avec alternance d’hypo- et d’hyperglycémies.

 

Quand l’HbA1c est prise en défaut [1-2]

Toute modification de l’érythropoïèse et/ou de la durée de vie des hématies va retentir sur la fiabilité du taux d’HbA1c. La présence de réticulocytes, en cas d’hémolyse, d’anémie aiguë ou d’hépatopathie chronique mais également un traitement par fer, EPO ou vitamine B12, ou une transfusion récente peuvent sous-estimer l’HbA1c. A l’inverse, l’allongement de la durée de vie des hématies (âge avancé, alcoolisme, splénectomie, carence en fer, folates ou vit. B12) augmente de façon artificielle l’HbA1c. Les médicaments capables d’induire une hémolyse peuvent entraîner une baisse de l’HbA1c : dapsone, interferon,, ribavirine, anti-rétroviraux…
Les modifications de structure de l’Hb peuvent également fausser le dosage de l’HbA1c. Une proportion anormalement élevée d’Hb F (thalassémie) majore généralement le taux d’HbA1c tandis que la présence d’une Hb S (drépanocytose) ou d’une Hb C vont sous-estimer sa valeur. Ces hémoglobinopathies sont aujourd’hui plus facilement dépistées grâce à la généralisation du dosage par HPLC.
Une anomalie de la glycation de l’Hb peut aussi être à l’origine d’une mauvaise estimation de l’HbA1c, comme dans les hémoglobinopathies mais également en cas d’utilisation de fortes doses de vitamine C ou vitamine E, avec sous-estimation de l’HbA1c. L’insuffisance rénale chronique est responsable d’une surestimation de l’HbA1c par accumulation d’Hb carbamylée pouvant interférer avec la méthode de dosage. La méthode de dosage de l’HbA1c peut être prise en défaut dans d’autres situations : à la baisse en cas d’hypertriglycéridémie ; à la hausse en cas d’hyperbilirubinémie, d’utilisation de fortes doses d’aspirine ou de dérivés opiacés, ou en présence d’acétaldéhyde (alcoolisme chronique).

 

Quelles alternatives ?

Comme tous les dosages biologiques, celui de l’HbA1c peut être pris en défaut. Le praticien doit connaître la notion de variabilité interindividuelle du processus de glycation, ainsi que les nombreuses situations cliniques faussant son dosage ou sa valeur. Dans ces cas-là, le rôle de l’autosurveillance glycémique est crucial et permet d’éviter des erreurs potentiellement graves dans la prise en charge des patients. Le holter glycémique est également une option mais se heurte à des problèmes d’accessibilité. Le dosage de la fructosamine, mesurant toutes les protéines glyquées extra-cellulaires et reflétant la moyenne glycémique des 14-21 jours passés (normes usuelles 200-265 µmol/l) peut être utile, mais il manque de données solides pour une utilisation en routine. Son dosage peut être faussé à la baisse (hypoprotidémie, hémodilution, hyperbilirubinémie, hyperthyroïdie…) ou à la hausse (hypothyroïdie) alors que l’insuffisance rénale chronique donne des résultats variables.

 

Références

(1) Wojtusciszyn A. Réalités cardiologiques, 2012.
(2) Chevalier N, Zagdoun L. MHDN. Mars 2014
(3) Nathan DM et al. Diabetes Care, 2008;31:1473-78