Vous êtes ici

Le dépistage du diabète de type 2 : rentable, facile mais encore insuffisant !

Auteur : 
Pr. André Scheen
QDM - Numéro : 
Le Quotidien du Médecin N°9268
Date parution : 
Jeudi 03 Octobre 2013

Le diabète de type 2 présente toutes les caractéristiques d’une maladie qui justifie un dépistage, d’autant plus que celui-ci peut être aisément ciblé sur les personnes les plus à risque et être réalisé par des méthodes faciles et peu onéreuses. Le diabète méconnu expose à des complications qui pourraient sans doute être évitées. Le Pr. André Scheen (Liège), vice-président de la SFD, résume ici brièvement l’état de la question.

 

Pourquoi dépister ?

Le DT2 remplit tous les critères d’une maladie qui justifie un dépistage. C’est une maladie fréquente, longtemps asymptomatique et grevée de complications potentiellement graves et coûteuses. Les facteurs de risque sont bien connus, permettant de cibler l’intervention chez les personnes les plus exposées, et le dépistage peut être facilement réalisé à peu de frais. Le traitement est plus aisé et l’hyperglycémie plus facile à contrôler lorsque le diagnostic est posé précocement. Cependant, de trop nombreux patients ne sont diagnostiqués que lors d’une complication (oculaire, cardiovasculaire ou rénale), témoin d’un diabète méconnu ayant évolué longtemps de façon silencieuse. L’adage « un diabétique sur 2 s’ignore » n’est sans doute plus tout à fait d’actualité en raison des nombreuses campagnes de sensibilisation déjà effectuées (dont les recommandations de la Haute Autorité de Santé en 2003) (1), mais il reste un travail important à réaliser sur le terrain au quotidien, en particulier parmi les personnes éloignées du système de santé (2). Les médecins généralistes sensibilisés à la problématique obtiennent des résultats plus que satisfaisants, avec moins de 1 % de diabètes méconnus chez des sujets à risque âgés de moins de 65 ans dans l’étude EPI-DIA (3).

 

Qui dépister ?

Il paraît raisonnable de proposer, dans un premier temps, un dépistage opportuniste ciblé sur les personnes à risque. En effet, les facteurs de risque d’un DT2 sont bien connus et facilement identifiables. Citons en priorité l’existence d’antécédents familiaux (prédisposition génétique majeure) et la présence d’un surpoids ou d’une obésité (surtout à prédominance abdominale, dont témoigne un tour de taille accru). Il faut ensuite ajouter l’âge (dépistage surtout recommandé au-delà de 45 ans), l’existence de marqueurs d’un syndrome métabolique (hypertension artérielle et dyslipidémie), des antécédents de diabète gestationnel ou de toute hyperglycémie même transitoire, souvent négligée (y compris lors de situations particulières comme une intervention chirurgicale ou une corticothérapie). Enfin, certains groupes méritent une attention particulière : ethnie à risque, population précarisée, sujets avec apnées du sommeil, etc. Face à la présence d’un, et a fortiori de plusieurs, de ces facteurs de risque, tout soignant devrait proposer un dépistage du DT2. S'il est négatif, il devra être répété tous les 3 ans ou plus tôt si la personne a plusieurs marqueurs de risque ou si la glycémie à jeun est limite (100-125 mg/dl). Si le test est positif, il doit être confirmé par une seconde analyse avant de poser le diagnostic.

 

Comment dépister ?

La façon la plus simple est de réaliser une glycémie à jeun, glycémie la plus reproductible et la plus facile à interpréter (4). L’idéal est une prise de sang avec mesure de la glycémie au laboratoire, plus précise, même si une détermination capillaire avec un lecteur de glycémie peut être envisagée en première intention (à confirmer par une mesure de laboratoire si la valeur est élevée, supérieure ou égale à 125 mg/dl, ou douteuse, entre 100 et 125 mg/dl). Une mesure improvisée de la glycémie (en post-prandial) est moins utile car d’interprétation plus difficile. L’hyperglycémie provoquée par voie orale, jadis souvent effectuée (diabète si glycémie à deux heures ? 200 mg/dl), n’est plus considérée comme un test de dépistage de première intention sauf cas particuliers (diabète gestationnel). Enfin, la mesure du taux d’HbA1c a été récemment proposée pour le dépistage du DT2 et reconnue par l’Organisation Mondiale de la Santé. Elle offre l’avantage de ne pas devoir être réalisée à jeun. Elle est cependant plus onéreuse que la mesure de la glycémie (ce qui limite son utilisation dans les pays émergents), la valeur seuil reste discutée (> 6,1-6,5%) et sa place réelle reste controversée (peut-être pour confirmer une glycémie à jeun douteuse) (5). Son usage en tant qu’outil de dépistage n’est pas recommandé ni remboursé pour l’instant en France.

 

Conclusion

Un dépistage du DT2, simple, peu coûteux et efficace, doit être proposé chez toutes les personnes à risque et renforcé dans les milieux précarisés. Plus le DT2 est dépisté tôt, plus il est facile à traiter. Tout médecin doit être attentif à une glycémie même légèrement accrue, trop souvent négligée alors qu’elle témoigne d’un DT2 déjà présent (à confirmer) ou imminent (à suivre de façon rapprochée). Toute hyperglycémie nécessite un renforcement des mesures hygiéno-diététiques et la réalisation d’un bilan minimum à la recherche de complications déjà présentes.

 

Références

(1) Haute Autorité de Santé. Février 2003.
(2) Hirtzlin I et al. Rev Epidemiol Sante Publique 2004;52:119-26.
(3) Cogneau J et al. Diabet Med 2006;23:803-7.
(4) Sacks DB et al. Diabetes Care 2011;34:e61-e99.Scheen AJ. Nature Cardiol Rev 2013;10:73-84.
(5) Hare MJ et al. J Intern Med 2012;271:227-36.