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Syndrome d’apnées obstructives du sommeil et diabète de type 2

Auteur : 
Pr. Patrice Darmon
QDM - Numéro : 
Le Quotidien du Médecin N°9304
Date parution : 
Lundi 24 Février 2014

Fréquent, potentiellement grave et souvent ignoré, le syndrome d’apnées du sommeil est fréquemment associé au diabète de type 2 et devrait faire l’objet d’un dépistage ciblé.

 

SAOS : une pathologie fréquente, potentiellement grave et souvent ignorée

Le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) est défini par la survenue d’au moins 5 épisodes par heure de sommeil de collapsus complet (apnées) ou incomplet (hypopnées) des voies aériennes supérieures associés à une hypersomnolence diurne ou à au moins 2 des signes suivants : ronflements, étouffements nocturnes, éveils multiples, sommeil non récupérateur, fatigue diurne, troubles de la concentration, nycturie. D’autres signes sont souvent retrouvés : HTA, fibrillation auriculaire, céphalées matinales, troubles de l’humeur, dysfonction sexuelle, sueurs nocturnes, sécheresse buccale, soif... Le SAOS concernerait 2% des femmes et 4% des hommes, et jusqu’à 10% des femmes et 25% des hommes après 50 ans. Aux côtés de l’âge et du sexe masculin, l’obésité, surtout dans sa forme abdominale, constitue le principal facteur de risque de SAOS. Il est démontré que la présence d’un SAOS est associée à une majoration du risque cardiovasculaire. Pour autant, on estime que 80% des patients présentant un SAOS ne sont ni dépistés ni traités.

 

SAOS et diabète de type 2 : une prévalence croisée importante

Près de 30% des sujets porteurs d’un SAOS présenteraient une diabète de type 2 (DT2) tandis que la prévalence du SAOS chez les DT2 varie de 20 à 50% selon les séries, et jusqu’à 85% chez les DT2 obèses (1). Le SAOS constitue un facteur de risque de résistance à l’insuline et de DT2, indépendamment du poids (2). Le lien entre SAOS et troubles de la glycorégulation s’expliquerait par les épisodes itératifs d’hypoxémie nocturne et la fragmentation du sommeil, à l’origine d’une hyperactivité sympathique, d’une activation de l’axe corticotrope, d’une majoration du stress oxydatif et de l’inflammation, ainsi que de modifications de la sécrétion des adipokines : tous ces mécanismes contribuent à l’insulino-résistance et/ou à la dysfonction pancréatique (3). Chez les DT2, le SAOS génère un risque cardiovasculaire additionnel sur une population déjà à très haut risque. Pourtant, le SAOS reste largement sous-diagnostiqué chez ces sujets : un travail rétrospectif mené chez plus de 16000 DT2 américains suivis en médecine générale révèle que seuls 18% ont un diagnostic de SAOS, ce qui est largement en dessous des chiffres de prévalence rapportés dans la littérature (4).

 

Qui dépister ?

La Fédération Internationale du Diabète (IDF) recommande 1) un dépistage systématique des troubles du métabolisme chez les patients présentant un SAOS à l’aide de tests simples (tour de taille, tension artérielle, glycémie à jeun, bilan lipidique) et 2) un dépistage ciblé du SAOS chez certains patients DT2 en cas de symptômes classiques (apnées rapportées par le conjoint, ronflements, fatigue diurne anormale, HTA résistante au traitement) (3). L’IDF préconise une stratégie de dépistage en deux étapes : questionnaire de Berlin (score de risque intégrant ronflement, somnolence et pression artérielle), puis nuit d’évaluation par oxymétrie et/ou polygraphie ambulatoire. Les patients avec test positif doivent être référés à un spécialiste du sommeil.

 

SAOS et équilibre glycémique

Plusieurs travaux font état d’une corrélation entre la sévérité du SAOS et le taux d’HbA1c. Une étude menée chez 60 patients DT2 (77% SAOS+) retrouve ainsi une corrélation positive indépendante entre sévérité du SAOS et HbA1c : en comparaison aux patients indemnes de SAOS, le taux moyen ajusté d’HbA1c est majoré de façon significative de 1,49% en cas de SAOS léger, de 1,93% en cas de SAOS modéré et de 3,69% en cas de SAOS sévère (5). A contrario, une étude française menée chez 303 DT2 hospitalisés pour déséquilibre glycémique (63% SAOS+) ne montre pas de lien entre présence et/ou sévérité du SAOS et HbA1c (6).

 

Impact du traitement par pression positive continue sur l’équilibre glycémique

En dehors du bénéfice de la perte de poids, le traitement de référence du SAOS est représenté par la ventilation en pression positive continue (PPC) par voie nasale, dont le remboursement par l’assurance maladie est désormais conditionné à une bonne observance. Un traitement par PPC bien suivi, en plus d’améliorer la somnolence et la qualité de vie, et de diminuer le risque d’accident de la route, réduit le niveau de risque cardiovasculaire principalement via une baisse de la pression artérielle. Les effets de la PPC sur la sensibilité à l’insuline et l’équilibre glycémique restent eux controversés. Les données de la littérature sont discordantes et issues d’études de qualité discutable (7-9). Un traitement par PPC bien suivi pourrait permettre d’améliorer la sensibilité à l’insuline et l’équilibre du diabète (particulièrement chez les sujets mal contrôlés) mais cela doit être confirmé par des études randomisées, contrôlées, menées sur des effectifs plus larges et des durées plus prolongées.

 

Références

1. Foster GD et al. Diabetes Care 2009;32:1017-9
2. Botros N et al. Am J Med 2009;122:1122-7
3. Shaw JE et al. Diabetes Res Clin Pract 2008;81:2-12
4. Heffner JE et al. Chest 2012;141:1414-21
5. Aronsohn RS et al. Am J Respir Crit Care Med 2010;181:507-13
6. Laaban JP et al. Diabetes Metab 2009;35:372-7
7. Steiropoulos P et al. Curr Diabetes Rev 2010;6:156-66
8. Yang D et al. Sleep Breath 2013;17:33-8
9. Iftikhar IH et al. Lung 2012;190:605-1