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Plaies du pied diabétique : faire mieux en prévention

Auteur : 
Pr Ariane Sultan
QDM - Numéro : 
Le Quotidien du Médecin N°9678
Date parution : 
Lundi 02 Juillet 2018

L’amélioration de la prise en charge des diabétiques a permis une augmentation de l’espérance de vie, mais aussi de la prévalence des complications. Si la prise en charge des plaies du pied a bien progressé, force est de constater que la prévention reste à la traîne.

 

De 12 à 25 % des personnes diabétiques, types 1 et 2 confondus, présenteront « un pied diabétique » au cours de leur vie. Les personnes en situation de précarité sont particulièrement touchées, et de façon plus précoce.
Les plaies du pied constituent souvent un tournant dans la maladie, qui passe d’un état qu’on pourrait qualifier d’invisible à une pathologie, la plaie, visible à la fois par la personne malade, son entourage, mais aussi les soignants. Il s’agit d’une complication particulièrement grave pouvant engager le pronostic vital et témoignant souvent d’un diabète multicompliqué. Certaines plaies, malgré une prise en charge optimale, ne cicatriseront pas et feront envisager une amputation. Une décision souvent traumatisante pour le patient et son entourage. Le risque d’amputation est multiplié par 25 en présence d’un diabète.
Les données de suivi à court et moyen terme des personnes hospitalisées pour pied diabétique sont alarmantes : environ 50 % nécessiteront une nouvelle hospitalisation pour plaie du pied, 30 % pour une amputation de membre inférieur, et de 30 à 40 % décéderont. Quant au pronostic postamputation, il est effroyable : 20 % des sujets seront réamputés, et 30 % seront réhospitalisés dans l’année.

Évaluation, pluridisciplinarité
Incontournable, l’évaluation initiale de la plaie sera effectuée en deux étapes : « je regarde » et « j’explore au stylet ». Cela permet à la fois d’orienter sur l’étiologie de la plaie et de rechercher des signes d’infection locaux (notamment un contact osseux), voire généraux. Le bilan initial est essentiel pour une prise en charge réussie en ville ; il faudra notamment s’assurer que l’état vasculaire peut permettre une cicatrisation spontanée, et ne pas hésiter à demander un échodoppler artériel des membres inférieurs en cas de doute.
La pluridisciplinarité est l’autre volet déterminant du bilan et du traitement des plaies du pied. La personne devra en effet être prise en charge de façon globale (métabolique, infectieuse, vasculaire, décharge et soins locaux), avec une coordination efficace entre le médecin traitant, le diabétologue, l’infectiologue, le radiologue, le chirurgien vasculaire, l’orthopédiste, le plasticien, parfois le gériatre, mais également l’infirmier, le podologue, le podo-orthésiste, l’assistant social et l’entourage familial. Il est parfaitement démontré que la prise en charge pluridisciplinaire des plaies du pied est associée à une augmentation des chances de cicatrisation, à une réduction de la durée d’hospitalisation et à une diminution du taux d’amputations majeures.

Des situations d’urgence
L’absence d’évolution favorable, malgré une prise en charge adaptée, des signes infectieux généraux et/ou locaux (notamment une suspicion d’ostéite ou une nécrose humide), mais également le non-respect de la décharge ou un maintien à domicile impossible devront motiver une consultation en service hospitalier de diabétologie dans les meilleurs délais. On sait en effet que le délai de consultation auprès d’équipes référentes est associé à un retard de cicatrisation, à une augmentation du risque d’amputation et de la durée d’hospitalisation.

L’examen des pieds, délaissé
Par rapport aux autres complications du diabète, la prévention des plaies du pied est plus difficile à mettre en place, sûrement parce qu’elle nécessite une étape indispensable, chronophage et peut-être délicate pour certains médecins : l’examen des pieds. Il permet pourtant d’établir la gradation du risque podologique, et donc de définir la prise en charge à proposer. En 2007, dans l’étude Entred, seules 20 personnes diabétiques de type 2 sur 100 déclaraient que leur médecin leur avait fait un test au monofilament...

Médicoéconomie
La convention 2016-2021 passée entre l’Assurance-maladie et les médecins libéraux comporte des modifications des critères de la ROSP, incluant la « part des patients MT traités par antidiabétiques ayant bénéficié d'un examen clinique annuel des pieds par le MT ou d'une consultation de podologie dans l'année », ce qui laisse espérer une amélioration des pratiques. On pourrait se demander pourquoi il n’est pas précisé la nécessité d’effectuer la gradation du risque podologique.
La pluridisciplinarité doit-elle se limiter au traitement des plaies du pied ? Ne pourrait-on pas imaginer une délégation de tache à un IDE pour cet examen ? Toute personne diabétique ne pourrait-elle pas bénéficier d’une consultation podologique annuelle remboursée ? Il faut évaluer le coût médicoéconomique de telles mesures.

 

Pr Ariane Sultan
Équipe nutrition, diabète, CHU de Montpellier