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Après chirurgie métabolique : la délicate prédiction de la rémission du diabète

Auteur : 
Pr Patrice Darmon
QDM - Numéro : 
Le Quotidien du Médecin N°9789
Date parution : 
Jeudi 21 Novembre 2019

Réussir à prédire la rémission du diabète de type 2 après chirurgie bariatrique permet de donner une information éclairée au patient et lui proposer un suivi personnalisé. Les scores sont assez fiables à court terme, moins après en raison de trajectoires complexes. L’ajout de variables obtenues à un an améliore la prédiction à long terme, mais il devient alors bien sûr impossible de donner l’information avant l’intervention.

 

La chirurgie bariatrique (ou métabolique) occupe une place croissante dans la stratégie de prise en charge du patient diabétique de type 2 (DT2) souffrant d’obésité. En France, elle peut être proposée en cas d’obésité grade 2 (IMC entre 35 et 40 kg/m2) et de grade 3 (IMC supérieur à 40 kg/m2). Ailleurs, elle peut aussi être envisagée chez les patients présentant une obésité de grade 1 (IMC entre 30 et 35 kg/m2) présentant un diabète insuffisamment équilibré malgré un traitement antihyperglycémiant bien conduit. La chirurgie métabolique rencontre un succès croissant car elle permet une rémission partielle ou complète du diabète à court terme chez environ 30 à 80 % des patients - selon les populations étudiées, les techniques chirurgicales utilisées et les critères définissant la rémission. Il existe toutefois le plus souvent un échappement à long terme, parallèle à la reprise de poids (1).
Les critères le plus souvent utilisés pour définir la rémission du DT2 sont les suivants : rémission complète avec une HbA1c < 6,0 % et une glycémie à jeun < 100 mg/dl sans traitement pendant au moins un an ; rémission partielle, avec une HbA1c entre 6,0 et 6,5 % et une glycémie à jeun entre 100 et 125 mg/dl sans traitement, pendant au moins un an (2).

Des paramètres connus
Le taux de rémission à un an dépend de l’importance de la perte de poids et de la technique chirurgicale utilisée. Par ordre décroissant d’efficacité : diversion biliopancréatique, bypass gastrique (GBP), sleeve gastrectomy et anneau gastrique ajustable.
Certains paramètres pré-opératoires sont associés à un taux de rémission élevé : sujet jeune ; IMC < 50 kg/m2 ; diabète depuis moins de 5 ans ; diabète non compliqué ; diabète non insulinotraité ; HbA1c autour de 7 %. D’autres paramètres sont au contraire défavorables : sujet de plus de 60 ans ; diabète évoluant depuis plus de 10 ans ; diabète insulinotraité ; C-peptide effondré témoignant d’une altération marquée de la fonction bétacellulaire (1).
Dès 2011, un algorithme a été proposé pour prédire la rémission du DT2 à un an. Depuis, plusieurs scores, plus simples et attribuant un facteur plus ou moins important à ces différents paramètres, ont été développés (1).

Ad-DiaRem, score le plus pertinent
L’ABCD score, proposé par une équipe asiatique, est précis et validé dans plusieurs cohortes indépendantes. Il intègre l’âge, l’IMC, la durée du diabète et le C-peptide. Cependant, le dosage de ce dernier n’est pas réalisé en routine, et les valeurs d’IMC retenues sont inférieures à celles étant en vigueur dans les populations occidentales.
Le DiaRem score, élaboré par une équipe américaine, se fonde sur quatre critères : l’âge, l’HbA1c, l’existence ou non d’un traitement par sulfamides ou antidiabétiques ciblant l’insulinorésistance autres que la metformine, et la prise ou non d’insuline. Ce score, dont la valeur prédictive est validée dans plusieurs cohortes indépendantes après GBP, reste toutefois imprécis pour des valeurs intermédiaires et n’inclut ni la durée du diabète, ni les nouveaux traitements du DT2 (notamment inhibiteurs de la DPP4 et agonistes des récepteurs du GLP1). Cela a conduit une équipe française à développer un score plus précis, appelé Ad-DiaRem (3). Il reprend les paramètres du DiaRem auxquels ont été ajoutés la durée du diabète et le nombre d’antidiabétiques pris avant l’opération. Le poids respectif de chaque paramètre a également été modifié. Ce score, lui aussi validé dans plusieurs cohortes indépendantes, se montre aujourd’hui le plus pertinent pour prédire la rémission du diabète un an après GBP.
Les différents scores développés pour la prédiction de la rémission du diabète à court terme ont été testés à plus long terme, mais aucun ne se montre très précis à 5 ans. Les performances de l’Ad-Diarem ont toutefois pu être améliorées en ajoutant des paramètres postopératoires : ainsi le score 5y-Ad-Diarem intègre ainsi le statut diabétique à un an (rémission complète ou partielle, absence de rémission), mais aussi le nombre d’antidiabétiques prescrits, la glycémie à jeun et le pourcentage de perte de poids (4).

 

Pr Patrice Darmon, Marseille

Références

(1) Park JY. J Obes Metab Syndr 2018;27:213-22
(2) Buse JB et al. Diabetes Care 2009;32:2133-5
(3) Aron Wisnewsky J et al. Diabetologia 2017;60:1892-1902
(4) Debédat J et al. Diabetes Care 2018;41:2086-95