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Des diabétiques pas toujours à haut risque - Un nouvel algorithme de dépistage cardiovasculaire

Auteur : 
Entretien avec le Pr Emmanuel Cosson
QDM - Numéro : 
Le Quotidien du Médecin N°9877
Date parution : 
Mardi 08 Décembre 2020

Exit dogme du très haut risque cardiovasculaire pour tous les diabétiques : le dépistage coronaire passe désormais par une appréciation plus fine du risque.

Revue à la baisse et précision du niveau de risque : tels sont les maîtres mots des nouvelles recommandations de dépistage coronaire des diabétiques asymptomatiques de type 1 et 2 âgés de 35 à 75 ans émises conjointement par la SFD et la SFC (1).
Tous les diabétiques présentent un surrisque cardiovasculaire. Fort heureusement, il a décru ces dernières années, même s’il reste plus élevé qu’en population générale. En Suède par exemple, entre 1998 et 2012, les évènements cardiovasculaires ont décru respectivement de 42% et de 38% chez les diabétiques de type 1 et 2. On ne considère donc plus que tout diabétique est, du seul fait de son diabète, à très haut risque cardiovasculaire.
Le surrisque est en fait très hétérogène, et nécessite une stratification, en particulier avant d’envisager un dépistage coronaire ou pour ajuster les traitements. « Les dernières recommandations françaises de dépistage de l’ischémie myocardique silencieuse du diabétique dataient de 2004. Déjà à cette époque, ce dépistage n’était recommandé que chez des diabétiques sélectionnés. Aujourd’hui, en partenariat avec la Société Française de Cardiologie (SFC), la Société Francophone du Diabète (SFD) propose un nouvel algorithme d’appréciation coronaire des diabétiques asymptomatiques de 35 à 75 ans », résume le Pr Emmanuel Cosson (CHU Paris Seine-Saint-Denis). Il vise à mieux graduer ce risque.
« Si la stratification est basée sur de nombreux éléments, le score calcique tient désormais une place décisive. Il présente en effet l’intérêt d’avoir non seulement une bonne valeur prédictive positive mais aussi une excellente valeur prédictive négative pour les événements cardiovasculaires. C’est par ailleurs un examen non invasif, sans injection, peu coûteux et peu irradiant », explique-t-il.

Seul le très haut risque impose un dépistage systématique
Dans cette nouvelle stratification du risque, seuls les sujets classés à très haut risque relèvent d’un dépistage systématique d’une maladie coronaire avec à la clé, s’il s’avère positif, la nécessité d’une coronarographie assortie d’un avis cardiologique.
Certains éléments suffisent seuls à classer d’emblée le patient à très haut risque : une maladie cardiovasculaire (insuffisance cardiaque et fibrillation atriale comprises), LDLc > 1,9 g/L sous traitement, albuminurie très élevée (> 3 g/j ou de 2 g/L), insuffisance rénale prononcée (eGFR < 30 ml/min/1,73 m2), ECG anormal avec ondes Q, échocardiographie avec anomalie fonctionnelle ou hypertrophie du ventricule gauche, sténose périphérique athéromateuse de plus de 50 %.
En revanche, un patient classé initialement à haut risque peut être reclassé, à la hausse ou à la baisse, après réalisation du score calcique. Avant cet examen, sont à haut risque les patients qui présentent au moins deux des éléments suivants : un diabète de type 2 de plus de 10 ans ou de type 1 de plus de 20 ans ; un antécédent de maladie cardiovasculaire précoce (avant 50 ans chez l’homme, avant 60 ans chez la femme) chez un parent de premier degré ; des facteurs de risque non contrôlés de façon persistante (HbA1c, LDLc, non-HDLc, HTA, tabac) ; une albuminurie de [0,3-3] g/j ou [0,2-2] g/L ou une eGFR de [30-60] ml/min/1,73 m2 ; une rétinopathie sévère, une neuropathie autonome ou une dysfonction érectile ; une activité physique limitée (capacité de monter moins de 2 étages).

Le haut risque revu à la hausse ou à la baisse après score calcique
Ces patients à haut risque sont reclassés à très haut risque en cas de score calcique > 400 ou [101-400] à moins de 60 ans. Ils rejoignent au contraire le risque modéré dès que leur score calcique est de [11-100] à plus de 50 ans ou de [0-10] à tout âge. Dans les cas contraires ([101-400] après 60 ans ou [11-100] à moins de 50 ans), ils restent dans le haut risque.
« C’est la première fois que l’activité physique (incapacité de monter plus de 2 étages) est prise en compte dans les facteurs de risque cardiovasculaire. Et c’est aussi la première fois qu’on interprète le poids du score calcique différemment selon l’âge, note le Pr Cosson. Cet algorithme, que nous allons mettre à l’épreuve, s’est vraiment efforcé de coller au plus près du risque individuel de chaque diabétique. En pratique clinique, il n’est pas difficile à utiliser et devrait nous aider à prendre en charge nos patients au plus près, non seulement en termes d’exploration du risque coronaire mais aussi de cibles thérapeutiques ».

Pascale Solère
Entretien avec le Pr Emmanuel Cosson,
(Hôpitaux Avicenne et René Muret, CHU Paris Seine-Saint-Denis).

Références

(1) P Valensi et al. Risk Stratification and screening for artery disease in asymp-tomatic patients with diabetes mellitus. Diabetes and metabolism 2020. doi : 10.1016/j.diabet.2020.08.0022