Vous êtes ici

Des progrès dans la prise en charge du pied diabétique

Auteur : 
Entretien avec la Dr Coralie Amadou-Kerangoarec
QDM - Numéro : 
Le Quotidien du Médecin N°9883
Date parution : 
Vendredi 22 Janvier 2021

Une étude menée par l’Assurance-maladie montre que le taux standardisé d’amputation chez les patients diabétiques est passé de 301 à 262 pour 100 000 entre 2008 et 2014. Des progrès toutefois inégaux selon les régions et les populations.

C’est une étude au long cours, porteuse d’une bonne nouvelle : en France, à âge et sexe identique, le risque d’amputation chez les patients dia-bétiques est en baisse. « Cette évolution est sans doute liée aux progrès réalisés en amont, au niveau de la prévention, mais est aussi le signe d’une amélioration de la prise en charge hospitalière », constate la Dr Coralie Amadou-Kerangoarec, cheffe de clinique au sein du service d’endocrinologie et diabétologie du centre hospitalier Sud Francilien.
L’étude en question a été menée par l’Assurance-maladie sous la houlette d’Anne Fagot-Campagna et de Pierre Denis. La Dr Amadou-Kerangoarec est intervenue dans un second temps pour apporter expertise diabétologique. L’objectif de ce travail était d’évaluer les améliorations dans la prise en charge hospitalière des patients diabétiques souffrant de plaies du pied, à partir de données portant sur la période entre 2008 et 2014. Des premiers résultats de ce travail ont été présentés dans le rapport « charges et produits » de l’Assurance-maladie pour 2017. Mais l’étude, en elle-même, a été publiée le 30 novembre dernier dans Plos One.
Elle montre qu’entre 2008 et 2014, le taux standardisé d’amputation chez les patients diabétiques est passé de 301 à 262 pour 100 000. Globalement, on relève un peu plus d’amputations au niveau d’un orteil (47 % en 2008, contre 49 % en 2014) et un peu moins au niveau de la cuisse (17 %, contre 15 %). Enfin, on constate des améliorations dans la prise en charge hospitalière, avec un geste de revascularisation beaucoup plus fréquent avant amputation (39 %, contre 46 %). « Cette baisse du nombre d’amputations peut s’expliquer de plusieurs manières. Elle est sans doute liée au fait qu’au cours de ces dernières années, la prise en charge des plaies du pied chez les patients diabétiques s’est largement uniformisée, avec la diffusion de recommandations internationales, indique la Dr Amadou-Kerangoarec. La qualité des prises en charges hospitalières a progressé, avec des techniques de plus en plus interventionnelles et une hausse des gestes de revascularisation. »

La prévention reste le plus efficace
« Cela est aussi le résultat des efforts menés dans le domaine de la prévention, qui reste l’arme la plus efficace pour éviter les complications graves chez les patients diabétiques », poursuit la spécialiste. Ces dernières années, de nombreux services de diabétologie ont conduit différentes initiatives pour sensibiliser les différents professionnels de santé, notamment libéraux, à la nécessité d’intervenir le plus tôt possible pour éviter tout risque de complications. « Un autre élément bénéfique a été la création du forfait podologique chez les patients à haut risque », souligne la Dr Amadou-Kerangoarec.
Si le taux standardisé d’amputation diminue, l’étude met en évidence une forte hausse du nombre d’hospitalisations pour plaies du pied : celles-ci sont passées de 508 à 701 pour 100 000 personnes diabétiques entre 2008 et 2014, soit un effectif de 12 180 à 22 350 personnes. « On peut penser que cette évolution reflète une prise en charge un peu plus précoce et plus efficace, qui peut permettre d’éviter l’amputation par une mise en décharge imposée et des soins de plaie optimisés. Néanmoins, dans certaines régions à haut risque, le taux d’hospitalisation pour plaies est inférieur à la moyenne nationale et le recours à l’hospitalisation précoce y serait donc insuffisant. Par exemple, on retrouve, à La Réunion, un fort taux d’amputation mais un faible taux d’hospitalisation pour plaie », indique l’Assurance-maladie dans le rapport « charges et produits » de 2017.

Les hommes et les plus précaires avant tout
Autre constat : cette diminution relative du risque d’amputation s’accompagne d’une concentration de ce risque vers les catégories les moins accessibles à la prévention podologique : en premier lieu, les hommes (69 % des personnes amputées en 2008, 73 % en 2014), mais aussi les populations précaires qui, chez les moins de 60 ans, représentaient 41 % des personnes amputées en 2014, contre 30 % en 2008. « On sait que, dans ce domaine, les inégalités sociales de santé restent fortes et que la prévention et la prise en charge des complications à un stade précoce sont un enjeu important chez les patients en situation de précarité », souligne la Dr Amadou-Kerangoarec.

Antoine Dalat
Entretien avec la Dr Coralie Amadou-Kerangoarec,
cheffe de clinique au sein du service d’endocrinologie et diabétologie du centre hospitalier Sud Francilien.