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Diabète de type 2 : de l'initiation d'une insulinothérapie basale en 2017

Auteur : 
Pr Patrice Darmon
QDM - Numéro : 
Le Quotidien du Médecin N°9584
Date parution : 
Lundi 29 Mai 2017

L’instauration du traitement par insuline est une étape importante pour un patient diabétique de type 2 (DT2). Il est essentiel de ne pas la retarder lorsque cela devient nécessaire. Cependant, parmi les différentes formes d’insulines, laquelle faut-il privilégier ?

 

Toutes les recommandations préconisent de commencer par une injection quotidienne d’une insuline d’action prolongée (« basale »), avec de petites doses au début, en association avec la metformine et parfois d’autres antihyperglycémiants. L’insuline basale permet d’inhiber la production hépatique nocturne de glucose et de corriger les glycémies trop élevées au réveil. Bien conduite, l’insulinothérapie basale entraîne une translation vers le bas de l’ensemble des glycémies de la journée. Dans la plupart des cas, pour obtenir une HbA1c < 7 %, il faut viser une glycémie au réveil entre 0,80 et 1,30 g/l et « titrer » l’insuline basale en ce sens. Un suivi rapproché sera proposé pour vérifier la bonne réalisation des injections, l’efficacité et la tolérance du traitement, modifier le protocole d’adaptation des doses si nécessaire et adapter les antihyperglycémiants associés. L’avis d’un diabétologue peut être utile en cas de difficultés.

Action intermédiaire ou prolongée ?
Les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) publiées en 2013 préconisent de débuter par une injection au coucher d’une insuline humaine de durée d’action intermédiaire (NPH, durée d’action 10 à 18 heures) ou par un analogue de l’insuline humaine d’action prolongée (glargine ou Lantus, durée d’action d’environ 24 heures ; détémir ou levemir, durée d’action 12 à 24 heures) si le risque d’hypoglycémie nocturne est préoccupant (1).
Le choix des experts de la HAS pour l’insuline NPH repose surtout sur des critères économiques, le coût journalier de traitement étant moins élevé que celui des analogues. Cette recommandation n’est que rarement suivie en pratique. La plupart des cliniciens utilisent en première intention la glargine ou la détémir car ces analogues ont montré, dans le DT2, leur supériorité par rapport à la NPH sur le taux d’hypoglycémies (notamment nocturnes et sévères) et sur la variabilité glycémique intra- et interindividuelle.

Le pancréas artificiel évolue très rapidement. La boucle fermée française, pilotée par le centre de recherche pour l’intensification du traitement du diabète (CERITD), débute une étude d’efficacité et sécurité en vie réelle de 3 mois après une validation de sécurité à l’hôpital. Les données du capteur Dex-com sont envoyées en temps réel à un smartphone dédié qui grâce à l’algorithme DIABELOOP (développé par des ingénieurs du CEA), commande en temps réel le débit et d’éventuels bolus automatisés de la pompe patch Cellnovo.
Ces nouvelles technologies vont modifier la relation médecin malade. Aujourd’hui, le médecin éduque le patient (gestion des doses) et encadre le suivi. Demain il devra paramétrer le système qui prendra au quotidien des décisions thérapeutiques et auquel le patient devra faire confiance pour une partie de la gestion.

Détémir ou glargine ?
De plus, le choix des cliniciens se porte plus volontiers sur la glargine que sur la détémir. En effet, si ces analogues sont équivalents sur la baisse d’HbA1c et le risque hypoglycémique, il faut souvent recourir à deux injections quotidiennes de détémir, avec des doses moyennes plus élevées ; en outre, si la prise de poids est moindre sous détémir versus glargine, les effets secondaires au point d’injection sont plus fréquents avec la détémir qu’avec la glargine (2). Enfin, la sécurité cardiovasculaire de la glargine a été démontrée chez des DT2 à haut risque cardiovasculaire dans l’étude ORIGIN (3), tandis que la détémir est l’analogue de l’insuline d’action prolongée dont le coût est le plus élevé.

Glargine U100 biosimilaire ou glargine U300 ?
On dispose également aujourd’hui d’un biosmilaire de l’insuline glargine (Abasaglar), qui a démontré, au-delà de sa bioéquivalence, une efficacité et une tolérance similaires à celles de Lantus (4), et ce à moindre coût (-15 % environ). L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) autorise aujourd’hui une interchangeabilité entre la molécule de référence et son biosimilaire, à condition que le patient en soit informé, et que son médecin assure une traçabilité de ce changement et une surveillance clinique adaptée.
La dernière insuline basale mise sur le marché en France est la glargine U300 (Toujeo). Il s’agit d’une glargine concentrée à 300 U/ ml au lieu de 100 U/ml pour Lantus. Comparé à la glargine U100, son profil d’action est plus plat et plus prolongé.
Elle se montre, dans les études de phase III, aussi efficace sur la baisse d’HbA1c et plus performante sur le risque d’hypoglycémie nocturne symptomatique ou sévère chez des patients DT2. Ce bénéfice est significatif chez les patients précédemment sous insuline basale et antidiabétiques oraux (hors sulfamides) [5] et chez les patients précédemment sous schéma basal-bolus (6), et une tendance identique est retrouvée chez les patients naïfs d’insuline (7).
Les résultats de ces études sont retrouvés avec des doses moyennes de glargine U300 plus élevées (de 10 à 17 %), sachant qu’à dose égale le coût journalier de traitement par Toujeo se situe entre celui d’Abasaglar et de Lantus.
Ainsi, lorsqu’on initie une insulinothérapie basale, il semble logique de débuter aujourd’hui par de la glargine U100, en privilégiant son biosimilaire pour des raisons de coût. Le choix se portera plutôt sur la glargine U300 si le risque d’hypoglycémies nocturnes est préoccupant, et sur la détémir ou la NPH si la situation clinique justifie une insuline plus courte.

 

Références

(1) HAS. Janvier 2013
(2) Swinnen SG et al. Cochrane Database of Systematic Reviews 2011, Issue 7: CD006383
(3) Gerstein HC et al. N Engl J Med 2012;367:319-28
(4) Rosenstock J et al. Diabetes Obes Metab. 2015;17:734-41
(5) Yki-Järvinen H et al. Diabetes Care 2014;37:3235-43
(6) Riddle MCet al. Diabetes Care 2014;37:2755-62
(7) Bolli GB et al. Diabetes Obes Metab 2015;17:386-94