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HAS ANSM et le statement ADA EASD : Convergences et divergences ?

Auteur : 
Pr. Serge Halimi
QDM - Numéro : 
Le Quotidien du Médecin N°9242
Date parution : 
Jeudi 16 Mai 2013

Ce texte résume les principaux messages des recommandations HASANSM 2013 de prise en charge de la glycémie chez les patients diabétiques de type 2 (DT2) en regard du texte du Statement Américano-Européen ADAEASD soutenu par la SFD (Société francophone du diabète) et rapporte le débat organisé durant le dernier congrès de la SFD à Montpellier en Mars 2013.

 

La nouvelle recommandation HAS-ANSM de prise en charge glycémique du diabète de type 2 (DT2) a été publiée en janvier 2013, selon une volonté d’intégrer un critère d’efficience (coûts), et depuis l’introduction de nouvelles classes thérapeutiques dites incrétines, inhibiteurs de la dipeptidyl peptidase-4 (gliptines) et analogues du GLP1, ainsi que suite à la communication des résultats de vastes essais d’intensification glycémique (ACCORD, VADT, ADVANCE). Au printemps 2012, un Statement (déclaration de consensus) d’experts américains (ADA) et européens (EASD) avait été communiqué et endossé par la Société francophone du diabète (SFD). Quelles convergences ou divergences entre ces deux textes ?

 

Convergence des objectifs : le maître mot « individualisation».

La recommandation HAS-ANSM s’est calquée sur le Statement ADA-EASD qui parle de « profil patient ». Le DT2 étant un état évolutif, les objectifs et traitements doivent être réévalués régulièrement, individualisés. Ces critères sont simples : âge, ancienneté du diabète, comorbidités, fragilités surtout cardiovasculaires et rénales, espérance de vie, risque d’être victime d’hypoglycémies, surtout sévères, et gravité potentielle de leurs conséquences (risque de morbimortalité accrue), autres effets indésirables et motivation du patient. Pour une majorité de patients DT2, l’objectif d’HbA1c est ? à 7 %. Pour un diabète récemment diagnostiqué avec une longue espérance de vie, la cible est ramenée à ? 6,5 %, à condition qu’il n’y ait pas d’hypoglycémie. Plus les patients sont « fragiles », plus la cible d’HbA1c s’élève : de 7 % à 7,5-8 % (voire même < 9 % pour certains). Point commun important : le risque hypoglycémique et à un moindre degré le poids sont des déterminants des choix d’objectifs et moyens de traitement.

La recommandation HAS précise les objectifs pour certains groupes de sujets DT2 :

  • État fonctionnel chez patients âgés > 75 ans : sujets « vigoureux » (? à 7 %), « fragiles » (? à 8 % : maladies du coeur évoluées, insuffisance rénale) ou « malades », à courte espérance de vie (< à 9 %).
  • Selon la fonction rénale : débit de filtration glomérulaire entre 59 et 30 ml/min ? à 7 % et en deçà de 30 ml/min jusqu’en dialyse ? 8 %.
  • Femmes DT2 en vue de grossesse ou enceinte : < à 6,5 %.

 

Divergences des moyens : « individualisation » contre coûts.

La première ligne de traitement est en totale convergence : la metformine est la première ligne de monothérapie si l’objectif glycémique n’est pas atteint malgré les mesures hygiénodiététiques. Pour la HAS, si intolérance ou contre-indication de la metformine : sulfamide hypoglycémiant (ou glinide), voire un inhibiteur des ?-glucosidases. Le Statement ADA-EASD ne cite pas ce dernier traitement.
À partir de la deuxième ligne, la HAS propose plusieurs algorithmes dont on peut retenir les principaux messages suivants :

  • La bithérapie privilégiée est l’association metformine + un sulfamide hypoglycémiant (ou glinide).
  • Sinon, la bithérapie metformine + inhibiteur des ?-glucosidases est préférée à metforminegliptine. En association à la metformine, le groupe HAS admet la non-infériorité des gliptines par rapport aux sulfamides ou glinides et reconnaît l’avantage de l’absence d’hypoglycémie : le choix de repousser leur usage dans les algorithmes est guidé par la prudence (manque de recul) et le coût journalier de ces différentes stratégies. Le texte indique le recours aux gliptines en bithérapie avec la metformine « si la survenue d’hypoglycémie est une situation préoccupante ». Y compris chez l’insuffisant rénal et le sujet âgé fragile.
  • Après la bithérapie, diverses trithérapies orales sont envisagées : metformine + sulfamide + inhibiteur des ?-glucosidases d’abord, sinon metformine + sulfamide + gliptine ou un recours aux thérapeutiques injectables : metformine + sulfamide + insuline, voire metformine + sulfamide + analogue du GLP-1 lorsque l’indice de masse corporelle est > à 30 kg/m².
  • Au stade de la mise à l’insuline, la HAS privilégie une injection d’insuline intermédiaire (NPH) au coucher, puis l’intensification de l’insulinothérapie avec 2 à 3 Premix (mélange fixe NPH + rapide).

 

Les points de débat.
  • Sont cités et recommandés par la HAS les inhibiteurs des ?-glucosidases (totalement exclus par le statement ADA-EASD) et le répaglinide malgré l’absence d’études (evidence based medicine) quant à leurs effets sur les complications du DT2.
  • Aucune distinction n’est faite par la HAS entre glibenclamide et sulfamides hypoglycémiants de seconde génération, y compris chez les sujets âgés ou insuffisants rénaux, malgré le risque hypoglycémique lié au glibenclamide.
  • L’usage du répaglinide est peu encadré malgré ses risques hypoglycémiques.
  • Malgré la fréquente intolérance digestive en bithérapie ou trithérapie, la combinaison metformine–inhibiteur des ?-glucosidases est recommandée par la HAS.
  • Pour les sujets DT2 avec cible d’HbA1c ? à 6,5 % et sans générer d’hypoglycémie, si la monothérapie ne peut y parvenir, le Statement ADA-EASD propose l’association metformine + gliptine. La HAS l’exclut.
  • Pour les sujets DT2 âgés ou insuffisants rénaux, pour la HAS la cible d’HbA1c est fixée à < 7 ou < 8 %, sans limite inférieure, source potentielle d’hypoglycémies.
  • Le choix de débuter l’insuline au coucher en priorité par la NPH ne correspond pas au Statement ADA-EASD ni à la position de la SFD. La préférence va aujourd’hui, là où on en dispose, aux analogues lents qui sont plus maniables, y compris pour les patients, et à moindre risque hypoglycémique, surtout nocturne.
  • Enfin, la présentation proposée par le Statement semble bien plus pédagogique que les algorithmes particulièrement complexes de la HAS.

 

Une recommandation basée sur l’efficience qui manque d’outils de mesure ?

La volonté, sur commande de la CNAM, d’établir une recommandation basée sur les coûts des stratégies se heurte, selon les auteurs eux-mêmes, à l’absence d’outils permettant de les mesurer autrement qu’en comptant le prix de vente de chaque boîte de médicament. Quid des séjours hospitaliers pour hypoglycémies sévères évités et du moindre besoin d’autosurveillance glycémique ? Au total, le Statement ADAEASD a largement inspiré la recommandation française quant aux objectifs glycémiques sur la base d’études internationales robustes. Mais les choix des moyens divergent. Ils ont été principalement mus en France par la volonté de réduire les coûts immédiats, donc l’usage des incrétines ou des insulines « analogues lents », plus que par la prudence légitime concernant tout nouveau traitement. Les vastes études à long terme qui sont actuellement menées sur des dizaines de milliers de patients DT2 avec toutes les incrétines, répondront à la question de la protection contre la microangiopathie du risque cardiovasculaire et de la sécuritéd’usage, en particulier concernant les éventuelles répercussions sur le pancréas exocrine. Les premières données sont attendues avant la fin 2013.

 

Conflits d’intérêts :

Serge Halimi déclare être engagé dans des comités d’experts sur les inhibiteurs de la DPP-4, l’insuline et l’autosurveillance glycémique, et donner des conférences rémunérées ou recevoir des invitations en tant que participant (avec prise en charge des frais afférents) à des congrès, de Boehringer Ingelheim, Bristol-Myers Squibb, Eli Lilly, Merck-Sharp & Dohme, Novo Nordisk, Roche Diagnostics et Sanofi.