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Haut risque de diabète de type 1 : Éviter l’inéluctable devient possible

Auteur : 
Entretien avec le Pr Pierre Gourdy
QDM - Numéro : 
Le Quotidien du Médecin N°9763
Date parution : 
Jeudi 04 Juillet 2019

Après de multiples tentatives infructueuses, un essai présenté à l’ADA montre qu’il est possible de réduire l’incidence ou du moins de retarder l’apparition d’un diabète de type 1, chez des sujets à haut risque, avec un anticorps monoclonal anti-CD3, le teplizumab.

 

Est-il possible de retarder l’apparition du diabète de type 1 (DT1) chez des jeunes sujets à haut risque de développer la maladie ? Sans apporter de réponse définitive, une étude présentée au congrès de l’American Diabetes Association (ADA) et publiée dans le Nejm (1) appuyée d’un éditorial (2) apporte quelques pistes.
Cet essai de phase II, mené avec le soutien des Instituts nationaux delasantéaméricains(NIH),a montré qu’il était possible de retarder de 2 ans en médiane la survenue du diabète chez des sujets à risque de développer la maladie, grâce à une immunothérapie par anticorps monoclonal anti-CD3 (teplizumab).
« Avant d’évoquer cet essai, il me semble important de rappeler la longue histoire des tentatives d’immunosuppression dans le domaine du DT1, qui, on le sait, résulte de la destruction des cellules pancréatiques productrices d’insuline par une réponse auto-immune. Il y a plus de 20 ans, certaines équipes ont utilisé des immunosuppresseurs pour tenter de la limiter. Mais ces essais se sont révélés décevants et exposaient les patients à de multiples risques, en particulier infectieux », commente le Pr Pierre Gourdy (service diabétologie du CHU de Toulouse, Inserm).
Ensuite, dès le début des années 2000, d’autres pistes ont été explorées, fondées sur le concept d’immunomodulation, en particulier en utilisant des anticorps anti-CD3. « Le but, alors, était d’agir plus spécifiquement sur certains types de lymphocytes dits régulateurs, véritables chefs d’orchestre capables de moduler à la hausse ou à la baisse les réponses immunes et inflammatoires. En dépit de quelques résultats positifs pour préserver une insulino-sécrétion endogène après l’apparition du diabète, là encore ces études ont été globalement décevantes », indique le Pr Gourdy.

Un recrutement difficile
Pour ce nouvel essai, le Dr Kevan Herold, endocrinologue à la Yale university school of medicine et ses collègues ont recruté des personnes répondant à plusieurs critères bien précis. « Ils devaient d’abord être apparentés à des personnes ayant développé un diabète de type 1. Avec aussi une réponse auto-immune enclenchée, ce dont témoignait la présence d’au moins deux anticorps spécifiques du diabète dans leur plasma. Enfin, les personnes étaient recrutées alors qu’elles présentaient une situation de prédiabète (glycémie modérément élevée à jeun et/ou après charge en glucose). Ces différents critères, assez stricts, ont rendu difficile le recrutement. Au départ, 144 personnes devaient être incluses dans l’essai mais au final, celui-ci a été conduit avec 76 sujets », explique le Pr Gourdy.
Dans la grande majorité des cas (72 %), ces sujets étaient des enfants ou des adolescents (médiane 14 ans [8,5-49,5]). Ils ont été divisés en deux groupes, qui ont reçu du teplizumab ou un placebo, par voie intra-veineuse pendant 14 jours consécutifs. La durée totale de suivi a été 2 683 jours, avec une médiane de 745 jours. Le critère principal d’évaluation de l’essai était la survenue d’un diabète avéré.
« Le premier constat est qu’il s’agissait vraiment d’une population à très haut risque, puisque 55 % des patients (44 sur 76) ont développé un DT1 durant la période de suivi. Ensuite, on constate une réponse vraiment différenciée entre les deux groupes », détaille le Pr Gourdy. Les participants du groupe traitement ont été 43 % (19 sur 44) à développer la maladie durant la période de suivi, contre 72 % (23 sur 33) dans le groupe placebo. « On constate que le risque de développer un diabète durant le suivi a été réduit de 60 % dans le groupe recevant le traitement actif. Et la différence est aussi notable sur la médiane de survenue de la maladie : 24 mois pour le groupe placebo contre 48 mois pour le groupe traitement actif. Avec cet anticorps monoclonal, on réduit donc l’incidence de 60 % et, quand le diabète survient, il est différé de deux ans », résume le Pr Gourdy.

Des modalités pratiques à préciser
À ce stade, il est toutefois difficile de tirer des conclusions définitives pour la suite. « L’immunomodulation apporte un bénéfice réel mais des questions restent en suspens. La première est de discuter l’intérêt de différer le diabète si, au bout du compte, la maladie finit quand même par arriver. Cela étant, il faut prendre en compte le fait que l’apparition d’un diabète n’est pas toujours une situation simple à gérer chez les adolescents. Il pourrait donc y avoir un intérêt à différer la maladie dans ce contexte », propose le Pr Gourdy.
« La délivrance de cet anti-corps monoclonal en cure unique de 14 jours n’est pas quelque chose d’irréaliste sur le plan pratique, poursuit-il. Mais on doit se poser la question d’éventuels effets secondaires de ce traitement. Il faut savoir aussi s’il n’y aurait pas un intérêt à renouveler ces cures d’anticorps monoclonal, avec une fréquence qui reste à déterminer, pour tenter de différer encore davantage l’arrivée du diabète ».

Antoine Dalat
Entretien avec le Pr Pierre Gourdy

Références

(1) KC Herold et al. An Anti-CD3 Antibody, Teplizumab, in Relatives at Risk for Type 1 Diabetes. Nejm epub June 9, 2019
(2) Clifford J. Rosen and Julie R. Ingelfinger. Traveling down the Long Roadto Type 1 Diabetes Mellitus Prevention. Nejm epub June 9, 2019