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Insuline basale et agoniste des récepteurs du GLP-1 : pour quels bénéfices ?

Auteur : 
Pr. Patrice Darmon
QDM - Numéro : 
Le Quotidien du Médecin N°9550
Date parution : 
Jeudi 26 Janvier 2017

Un nombre croissant de patients diabétiques de type 2 (DT2) est aujourd’hui traité par la combinaison d’une insuline basale et d’un agoniste des récepteurs du GLP-1 (GLP-1 RA).

 

Le rationnel d’une telle association repose :

  1. sur la complémentarité de leurs cibles d’action : glycémie à jeun (GAJ) pour l’insuline basale ; glycémie postprandiale (GPP) pour les GLP-1 RA de courte durée d’action (exénatide, Byetta et lixisénatide - non commercialisé en France) ; glycémie pré- et postprandiale pour les GLP-1 RA de longue durée d’action (injection quotidienne : liraglutide,Victoza ; injection hebdomadaire : exénatide retard, Bydureon et dulaglutide, Trulicity), et
  2. sur l’idée que les bénéfices des GLP-1 RA sur le poids et le risque hypoglycémique pourraient contrebalancer les effets contraires de l’insuline. Pour autant, les indications de cette stratégie thérapeutique coûteuse doivent être plus clairement validées.

Si les recommandations 2013 de la HAS ne donnent aucune indication sur le profil des candidats à une telle combinaison, ni sur les modalités optimales de son utilisation - hormis un sibyllin « cette association relève d’un avis spécialisé » (1) -, la version réactualisée en 2015 de la prise de position de l’ADA et de l’EASD se montre bien plus précise (2). Pour les experts européens et américains, l’ajout d’un GLP- 1 RA constitue désormais une stratégie d’intensification thérapeutique bien validée dans le diabéte de type 2 (DT2) après échec d’une insulinothérapie basale - on rappellera que celui-ci se définit comme la persistance d’une HbA1c supérieure à l’objectif malgré une bonne titration de l’insuline basale (GAJ dans la cible) mais aussi comme la difficulté à obtenir une GAJ dans la cible malgré de fortes doses d’insuline basale (insulinorésistance majeure).

Perte de poids et moindre risque hypoglycémique
L’adjonction d’un GLP-1 RA (tout en maintenant la metformine) apparaît donc aujourd’hui comme une alternative à l’option traditionnelle après échec d’une insulinothérapie basale, à savoir l’ajout d’une ou plusieurs injections d’analogues rapides de l’insuline (schéma « basal-plus » ou « basal-bolus »). Ces solutions traditionnelles sont généralement efficaces, mais exposent à une prise de poids et à un risque accru d’hypoglycémie, et nécessitent de titrer les doses d’insuline. Selon le statement ADA/EASD, le choix d’un GLP-1 RA constitue une voie d’intensification préférentielle chez les DT2 obèses ou chez ceux dont on pense qu’ils auront du mal à gérer les contraintes des injections pluriquotidiennes d’insuline. Les études cliniques comparant GLP- 1 RA et un à trois bolus d’analogues rapides de l’insuline après échec de basale vont toutes dans le même sens et montrent un équilibre glycémique au moins équivalent sous GLP-1 RA, avec une perte de poids et un moindre risque hypoglycémique (3-6). En association à une insuline basale, les GLP-1 RA de courte durée d’action (exénatide et lixisénatide) ont logiquement leur place car ils ciblent préférentiellement l’excursion glycémique postprandiale en inhibant fortement la vidange gastrique. Pour autant, l’option d’un GLP-1 RA d’action prolongée doit être désormais largement considérée. Tout d’abord, même s’ils agissent avant tout sur la GAJ, ces agents permettent d’obtenir aussi une baisse des GPP en valeur absolue. Ensuite, les résultats de l’étude LEADER démontrant un bénéfice cardiovasculaire du liraglutide indépendant de son effet sur le contrôle glycémique chez des DT2 à très haut risque cardiovasculaire, pourraient conduire à privilégier aujourd’hui le liraglutide dans cette population. Enfin, l’exénatide retard et le dulaglutide ont surtout pour eux l’avantage d’être administrés en une injection hebdomadaire (en attendant les résultats des études de sécurité cardiovasculaire), mais seul le second dispose d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) en association à l’insuline en France.

Simple, efficace et bien tolérée
Au total, en dépit de son coût élevé, l’association d’un GLP-1 RA à une insuline basale est une stratégie d’intensification qui gagne en popularité en raison de sa simplicité, de son efficacité et de son très bon profil de tolérance. Elle est particulièrement indiquée chez les DT2 obèses et/ou très insulinorésistants. Notons qu’il existe aujourd’hui des formes combinées, associant dans la même solution un analogue lent de l’insuline et un GLP-1 RA. Le LixiLan, combinant glargine et lixisénatide, n’est pas commercialisé en France, au contraire de l’IDegLira (association insuline dégludec et liraglutide, Xultophy). Cette association fixe administrée en une injection par jour vient de démontrer qu’elle était aussi efficace qu’un basal-bolus chez des DT2 en échec d’insulinothérapie basale avec moins d’hypoglycémies et une évolution pondérale favorable (-0,9 kg vs +2,6 kg) [7]. À ce jour, en France, la prescription initiale de Xultophy est réservée aux spécialistes, et le produit n’est remboursé que dans le cas où il remplace une association libre insuline basale et liraglutide. On peut toutefois imaginer qu’il puisse un jour être indiqué dès la mise sous insuline chez certains patients DT2 notamment les obèses insulinorésistants.

 

Pr Patrice Darmon, APHM Marseille, conflits d’intérêt : Novo Nordisk, Sanofi , Lilly, Astra Zeneca.

Références

(1) HAS. Stratégie médicamenteuse du contrôle glycémique du diabète de type 2. Janvier 2013
(2) Inzucchi SE et al. Diabetes Care 2015;38:140-9
(3) Holst JJ, Vilsbøll T. Diabetes Obes Metab 2013;15:3-14
(4) Carris NW et al. Drugs 2014;74:2141-52
(5) Diamant M, Nauck MA, Shaginian R et al. Diabetes Care 2014;37:2763-73
(6) Rosenstock J, Guerci B, Hanefeld M et al. Diabetes Care 2016 ;39:1318-28
(7) Press release de l’essai DUAL VII, décembre 2016