Vous êtes ici

Prévenir le diabète de type 2, un défi de santé publique !

Auteur : 
Pr. André Scheen
QDM - Numéro : 
Le Quotidien du Médecin N°9280
Date parution : 
Jeudi 14 Novembre 2013

Maladie chronique dont la prévalence est en constante augmentation, le diabète de type 2 nécessite un traitement qui peut devenir complexe, mais avec des résultats souvent imparfaits. Il s’accompagne, à terme, de complications potentiellement graves qui réduisent la qualité de vie, limitent l’espérance de vie et grèvent considérablement le budget des soins de santé. Au vu de tous ces éléments, on peut donc légitimement penser que des stratégies de prévention de la maladie devraient impérativement être mises en place. Elles concernent essentiellement les soignants de premier recours.

 

La prévention ciblée sur les personnes à risque.

Les facteurs de risque de développer un DT2 sont bien connus et ont été rappelés dans un article précédent. Si une meilleure hygiène de vie doit être recommandée dans la population générale, la prévention doit, en priorité, cibler les personnes les plus exposées. Elles sont facilement identifiables en raison d’une prédisposition génétique (antécédents familiaux), d’un morphotype à risque (obésité abdominale), de la présence d’un syndrome métabolique et/ou de l’existence (même transitoire, y compris durant la grossesse) d’une hyperglycémie modérée, souvent annonciatrice d’un DT2. Le cumul de plusieurs de ces facteurs de prédisposition augmente considérablement le risque et impose l’instauration rapide de mesures préventives.

 

La prévention par les mesures hygiéno-diététiques

Les facteurs environnementaux sont les seuls sur lesquels on peut vraiment agir pour prévenir le DT2. Les mesures préventives doivent porter, d’une part, sur des conseils pour une alimentation plus saine, d’autre part, sur la promotion d’une activité physique régulière. Cette approche combinée a démontré son efficacité dans plusieurs essais cliniques contrôlés, dont le célèbre « Diabetes Prevention Program » (DPP) avec une réduction de l’incidence de DT2 de 58 %, se maintenant au long cours (1). Ces résultats ont été confirmés dans une revue systématique récente des essais réalisés en Europe, en Asie et aux Etats-Unis (2). La réduction de l’incidence du DT2 est d’autant plus importante que les individus concernés respectent les mesures proposées, sur le plan alimentaire (réduction des apports caloriques et des graisses saturées) et de l’activité physique (au moins 150 min d’exercice par semaine), aboutissant à une perte de poids supérieure à 7% du poids initial. Le défi est de reproduire ces résultats obtenus lors d’essais cliniques contrôlés, au prix d’une surveillance très stricte et de modifications notables de comportement, dans les conditions habituelles de la vie réelle auxquelles soignés et soignants sont confrontés.

 

La prévention par les médicaments

Plusieurs médicaments ont montré leur capacité à prévenir le DT2. C’est le cas d’un médicament anti-obésité comme l’orlistat (étude XENDOS) et de médicaments insulino-sensibilisateurs utilisés dans le traitement du DT2. Les études les plus nombreuses concernent la metformine et les glitazones. Ces dernières, même si elles ont donné des résultats remarquables (aussi marqués, voire plus, que ceux rapportés avec les mesures hygiéno-diététiques et la metformine), sont associées à des manifestations indésirables incompatibles avec une stratégie de prévention. Compte tenu de la large expérience et du faible coût de la molécule, la seule intervention pharmacologique actuellement envisageable (même si elle n’est pas encore officiellement reconnue) est la metformine. Au vu des résultats du DPP, la metformine s’avère surtout efficace chez les sujets jeunes, avec excès de poids et diminution de la tolérance au glucose (1). Pour tous les médicaments anti-hyperglycémiants (dont la metformine), il n’est cependant pas évident de savoir s’il s’agit d’une véritable prévention, d’un effet de masquage (traitement précoce) ou d’un simple retard dans l’apparition de la maladie (3).

 

La prévention par la chirurgie bariatrique (métabolique)

En cas d’obésité résistant à une approche médicale appropriée, une solution chirurgicale peut être envisagée. En effet, dans l’étude « Swedish Obese Subjects » (SOS), la chirurgie bariatrique a entraîné, non seulement un taux de rémission élevé de la maladie chez les sujets obèses déjà atteints d’un DT2, mais aussi une remarquable prévention (- 80 % !) de la survenue d’un DT2 par comparaison à un groupe témoin traité médicalement (4).

 

La prévention du DT2 est-elle rentable ?

Une analyse médico-économique de l’étude DPP aux Etats-Unis a démontré que l’intervention « style de vie » était modérément coût-efficace et que l’intervention « metformine » était coût-épargnant par comparaison à l’approche standard (5). Diverses modélisations dans des pays européens ont confirmé ces données (2), qui devraient donc s’appliquer aussi à la France, surtout si la prévention cible les groupes définis précédemment comme les plus à risque.

 

Que faire en pratique ?

D’abord, repérer assez systématiquement les personnes à risque; ensuite, renforcer les mesures hygiéno-diététiques, si possible avec des approches individuelles; attendre que la metformine soit officiellement reconnue dans cette indication de prévention du DT2 chez les sujets à haut risque (toujours hors AMM actuellement); enfin, à ce stade, ne proposer la chirurgie bariatrique chez les sujets avec un indice de masse corporelle supérieure à 40 kg/m² (ou > 35 kg/m² avec autres facteurs de risque) que si le but de prévenir un DT2 se combine à d’autres avantages escomptés de l’opération.

 

Références

(1) Knowler WC et al . N Engl J Med 2002 ; 346: 393-403.
(2) Gillett et al. Health Technol Assess 2012;16:1-236.
(3) Scheen AJ. Diabetes Metab 2007 ; 33 : 3-12.
(4) Carlsson LM et al. N Engl J Med 2012 ; 367 : 695-704. 
(5) Diabetes Preventive Program Research Group. Diabetes Care 2012; 35:723-30.