Vous êtes ici

Prise en charge des dyslipidémies de l’adulte : le consensus français

Auteur : 
Entretien avec le Pr René Valéro
QDM - Numéro : 
Le Quotidien du Médecin N°9537
Date parution : 
Jeudi 24 Novembre 2016

Trois sociétés savantes, la Société française d’endocrinologie (SFE), la Société francophone du diabète (SFD) et la Nouvelle société francophone d’arthérosclérose (NSFA) se sont associées pour proposer un consensus français sur la prise en charge des dyslipidémies.

 

La plupart des dyslipidémies, tout particulièrement l’augmentation du LDL-cholestérol, joue un rôle majeur dans le risque cardiovasculaire et il existe un vaste consensus pour promouvoir leur traitement, mais avec des divergences sur la manière de procéder selon les différentes recommandations internationales. En France, les recommandations de l’Afssaps qui dataient de 2005 ont été retirées et ne sont plus consultables. « Nous ne disposions donc d’aucune recommandation à jour dans notre pays, ce qui a conduit la Société française d’endocrinologie (SFE), la Société francophone du diabète (SFD) et la Nouvelle société francophone d’arthérosclérose (NSFA) à s’associer pour proposer un consensus sur la prise en charge des dyslipidémies », indique le Pr René Valéro. Ce consensus est basé sur les recommandations internationales et sur une revue de la littérature, notamment les essais cliniques et les méta-analyses et a été rédigé en précisant les niveaux de preuve. Il s’adresse à la population générale et n’aborde pas en détail les hypercholestérolémies familiales et les dyslipidémies diabétiques.

Définir le niveau de risque cardiovasculaire
Ce nouveau consensus rappelle l’importance de l’évaluation du niveau de risque cardiovasculaire (RCV), qui conditionne l’objectif lipidique. Pour établir le niveau de RCV (faible, intermédiaire, élevé ou très élevé), le consensus recommande de faire appel aux tables SCORE, qui permettent de donner un pourcentage de risque de décès cardiovasculaire à 10 ans. Il faut utiliser les tables adaptées à la France, qui est un pays à bas risque. Ces tables prennent en compte 6 paramètres : le sexe, l’âge, le tabagisme, la pression artérielle systolique, le cholestérol total et le HDL-cholestérol. « Il existe des outils numériques qui permettent de faire très rapidement un calcul automatique du SCORE », souligne le Pr Valéro. Toutefois, le consensus reste pragmatique et propose en alternative au recours aux tables SCORE l’addition des facteurs de risque cardiovasculaire suivant (hors diabète et insuffisance rénale) : âge ≥ 50 ans chez l’homme et ≥ 60 ans chez la femme, antécédents familiaux de maladie cardiovasculaire précoce (≤ 55 ans chez un homme apparenté du premier degré ou ≤ 60 ans chez une femme apparentée du premier degré), tabagisme actif ou sevré de- puis moins de 3 ans, HDL-cholestérol ≤ 0,4 g/l et hypertension artérielle.

Quatre niveaux de RCV établis
Le risque faible correspond à un résultat SCORE <1%, ou 0 ou 1 facteur de RCV. L’objectif est un LDL-c < 1,9 g/l. « Un LDL > 1,9 g/l, en particulier dans un contexte familial ou personnel de maladie cardiovasculaire précoce ou d’hypercholestérolémie familiale doit faire évoquer une hypercholestérolémie familiale génétique », rappelle le Pr Valéro. Le risque intermédiaire est défini par un SCORE compris entre 1 et < 5 %, ou la présence de 2 facteurs de RCV. Les diabétiques de type 2, les diabétiques de type 1 âgés de plus de 40 ans et dont le diabète évolue depuis plus de 15 ans sans autre facteur de risque tout comme les insuffisants rénaux modérés (clairance de la créa- tinine comprise entre 45 et 60 ml/mn en tenant compte de l’âge) rentrent dans ce niveau de risque. L’objectif est un LDL-c < 1,3 g/l. Dans ce niveau de risque, pour fixer la cible d’autres paramètres sont également à prendre en compte, comme le choix du patient ou une maladie associée (exemple : maladie inflammatoire chronique) et le praticien peut s’aider dans sa démarche d’outils comme le score calcique ou la recherche de plaques carotidiennes évoluées. Le niveau de risque est considéré comme élevé lorsque le SCORE est compris entre 5 et <10% ou que le patient a au moins 3 facteurs de RCV. Ce niveau de risque concerne également tous les diabétiques de type 2 et de type 1 avec 1 facteur de RCV et les insuffisants rénaux avec une clairance de la créatinine < 45 ml/mn (hors dialyse). Dans ce cadre, l’objectif est un LDL-c < 1 g/l. Enfin, le niveau de risque est reconnu comme très élevé en cas de SCORE ≥ 10 %, de diabète de type 2 ou de type 1 avec au moins 2 facteurs de RCV ou une atteinte d’organe (néphropathie avérée ou rétinopathie évoluée) et chez tous les patients en prévention secondaire. L’objectif est un LDL-c < 0,7 g/l, ou sa réduction d’au moins 50 %.

Comment atteindre les objectifs ?
Tous les patients doivent bénéficier de mesures hygiénodiététiques (MHD), sauf en cas de risque faible et de LDL-c < 1,3 g/l. La baisse du LDL-c constitue la priorité si les triglycérides sont < 5 g/l. Le traitement de première intention fait appel à une statine. Si une statine à la puissance nécessaire et à la bonne dose n’est pas assez efficace, de l’ézétimibe est associé. Un avis spécialisé est de mise avant l’ajout de fénofibrate chez un patient à l’objectif de LDL-c avec la statine mais ayant d’autres anomalies lipidiques associant : TG ≥ 2 g/l et HDL- c ≤ 0,4 g/l chez un patient à RCV élevé ou très élevé. En cas d’hypertriglycéridémie ≥ 5 g/l malgré les MHD, un traitement par fibrate peut être instauré en première intention.

 

Dr Isabelle Hoppenot

D’après un entretien avec le Pr René Valéro, membre du groupe de travail commissionné par la SFE, la SFD et la NSFA Working group commissioned by the French Society of Endocrinology (SFE), Francophone Society of Diabetes (SFD), The New Francophone Society of Atherosclerosis (NSFA). Consensus statement on the management of dyslipidaemias in adults. Diabetes & Metabolism, on line; La Revue du Praticien, publié en Septembre 2016.