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Prise en charge du diabète de type 1 : impact des nouvelles technologies

Auteur : 
Dr Sophie Parienté
QDM - Numéro : 
Le Quotidien du Médecin N°9562
Date parution : 
Jeudi 09 Mars 2017

Le capteur de glucose, isolément ou dans une boucle fermée, révolutionne la prise en charge du diabète de type 1, dans un contexte d’émergence des objets connectés et de la télémédecine. Le point avec le Dr Michael Joubert, diabétologue au CHU de Caen.

 

La technique de mesure du glucose évolue. D’invasive (glycémie capillaire), elle devient mini-invasive avec les capteurs CGM et pourrait dans le futur être non-invasive (montres transdermiques ? lentilles de contact Google ?... à l’étude).

La révolution des capteurs
Les capteurs peuvent être utilisés isolément. Le capteur Freestyle Libre (Abbott), sans calibration (pas de contrôle par glycémie capillaire) bouleverse la surveillance. En Europe, des dizaines de milliers de patients l’autofinancent, plébiscitant cette technologie. Un remboursement est attendu en France en 2017. Si le cadre suit les recommandations 2016 de la CNEDMIS, 300 000 patients diabétiques sont potentiellement concernés : tous les type 1 (DT1) et les type 2 (DT2) en multi-injection ou sous pompe.
« En termes de qualité de vie et d’équilibre glycémique, c’est un saut comparable à celui du passage des contrôles urinaires aux glycémies capillaires. Dans l’étude IMPACT (1) chez des DT1 bien équilibrés (HBA1c < 7,5 %), le temps passé en hypoglycémie diminue de 38 % et la nuit de 40 %, ce qui est très impressionnant. Le système est intuitif. Dès la pose du 1er capteur, le patient diabétique sous pompe ou en multi-injection présente moins d’hypoglycémies, sans formation initiale, ni temps d’apprentissage » note le Dr Joubert.
Un simple scan du capteur donne accès à l’information glycémique. Les études en vraie vie objectivent l’augmentation de la fréquence des contrôles glycémiques : 10-15/j au lieu des 4 -6 habituels. « D’une information statique (glycémie capillaire à l’instant t), on est passé à une information dynamique (glycémie interstitielle à l’instant t + courbe des 8 dernières heures+ flèche de tendance). Le patient sait d’où il vient, où il va, et peut anticiper ».
Le capteur peut aussi être utilisé dans une boucle fermée (pancréas artificiel) couplé à une pompe, comme la 640G (Medtronic). Cette 1re boucle fermée rudimentaire a montré sa capacité à limiter les hypoglycémies. La délivrance de la basale d’insuline est suspendue si l’algorithme détecte que la glycémie passera sous un seuil bas prédéterminé dans 30 minutes et se remet en route quand la glycémie est remontée. La 670G de Medtronic, récemment autorisée aux USA pourra aussi générer des bolus automatiques pour réguler les hyper-glycémies.

Le pancréas artificiel évolue très rapidement. La boucle fermée française, pilotée par le centre de recherche pour l’intensification du traitement du diabète (CERITD), débute une étude d’efficacité et sécurité en vie réelle de 3 mois après une validation de sécurité à l’hôpital. Les données du capteur Dex-com sont envoyées en temps réel à un smartphone dédié qui grâce à l’algorithme DIABELOOP (développé par des ingénieurs du CEA), commande en temps réel le débit et d’éventuels bolus automatisés de la pompe patch Cellnovo.
Ces nouvelles technologies vont modifier la relation médecin malade. Aujourd’hui, le médecin éduque le patient (gestion des doses) et encadre le suivi. Demain il devra paramétrer le système qui prendra au quotidien des décisions thérapeutiques et auquel le patient devra faire confiance pour une partie de la gestion.

L’effervescence de la télémédecine
Les pompes, capteurs et nouveaux lecteurs de glycémie connectés ouvrent des perspectives de suivi innovant par télémédecine. Envoyée sur le Cloud, une foule d’informations peut être récupérée par les personnels de santé sur des serveurs sécurisés.
« Comment intégrer ces quantités énormes de données ? Comment et par qui seront-elles traitées ? Quel sera le circuit de ces informations et le parcours de soins des patients ? Comment impliquer le médecin traitant, l’informer des décisions ? Un portail commun aux professionnels de santé est-il à envisager ? » se demande le Dr Joubert.
La parution au journal officiel de l’arrêté du 6 décembre 2016 portant cahiers des charges des expérimentations relatives à la prise en charge par télésurveillance permet le déploiement du télésuivi dans les maladies chroniques dont le diabète. Des outils technologiques vont être valorisés ainsi que la prestation qui les accompagne.
Des systèmes experts paramétrés par les médecins pourraient analyser la masse de données et générer des alertes ciblées sur certains patients. Elles seraient traitées par des infirmières expertes en diabétologie qui pourraient intervenir auprès des patients ou transmettre l’alerte aux médecins selon un partenariat établi.
L’étude TELESAGE évalue ce parcours dans le dispositif de télémédecine DIABEO avec une délégation de tâches envers les infirmières. « Les données sont attendues et pourraient servir d’exemple pour l’expérimentation à venir de valorisation de la télémédecine » conclut le Dr Joubert.

 

D’après un entretien avec le Dr Michael Joubert, diabétologue au CHU de Caen

Références

(1) Bolinder J. et al., Lancet 2016, vol.388(10057) pp. 2254-63