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Vaccination et diabète : peut mieux faire !

Auteur : 
Entretien avec la Pr Ariane Sultan
QDM - Numéro : 
Le Quotidien du Médecin N°10004
Date parution : 
Vendredi 10 Novembre 2023

La couverture vaccinale reste insuffisante chez les personnes vivant avec un diabète. Les médecins généralistes ont un rôle important à jouer.

A ce jour, chez les personnes vivant avec un diabète, il est recommandé de vacciner contre la grippe, la pneumonie à pneumocoque, le tétanos, le zona et l’hépatite B, en plus des vaccinations usuelles dans le calendrier vaccinal. Chez l’enfant vivant avec un diabète, le vaccin antigrippe dès 6 mois a été ajouté au calendrier vaccinal. Une actualisation du référentiel est prévue courant 2024. « Les infections risquent de déséquilibrer le diabète, créant un cercle vicieux entre risque infectieux et équilibre glycémique, raison pour laquelle cette question est à prendre au sérieux », estime la Pr Ariane Sultan (service Nutrition diabète, CHU Lapeyronie, Montpellier), coordinatrice du Groupe de travail sur la vaccination chez la personne vivant avec un diabète, à la Société francophone du diabète.

À évoquer systématiquement
À la mi-novembre, certaines vaccinations prennent un caractère urgent. « Avec l’arrivée de la saison hivernale, une covaccination grippe-pneumocoque est importante chez les personnes vivant avec un diabète de type 1 ou 2, au vu du risque d’infections plus sévères, que ce soit en termes d’hospitalisation ou de mortalité, significativement majoré. Le bénéfice apporté par cette covaccination est très significatif chez les personnes vivant avec un diabète. Le virus de la grippe induit une altération de la muqueuse ciliaire, qui fait le lit des infections à pneumocoques. La double vaccination permet de réduire significativement la mortalité. Il est donc opportun de parler vaccination aux personnes vivant avec un diabète, même si elles consultent pour un tout autre motif. C’est également applicable à toutes les personnes vivant avec une maladie chronique », insiste la Pr Sultan.

Un risque sous-estimé
Les patients doivent bien comprendre que le diabète n’expose pas seulement à des infections de plaies du pied (auquel ils sont souvent bien sensibilisés). Le risque d’infection respiratoire est en fait le plus important. Être vacciné n’exclut pas d’avoir la grippe mais réduit significativement la gravité de l’infection, comme en témoignent les données issues d’études cas-témoins et de cohortes : elles montrent un bénéfice de la vaccination antigrippale, avec une réduction de l’incidence de la grippe et de la pneumonie, une réduction de la mortalité toutes causes confondues et des évènements cardiovasculaires.
Faire le point sur la vaccination contre les infections respiratoires, plus fréquentes en automne et en hiver, peut aussi être l’occasion d’évoquer la vaccination contre les autres infections dont le risque est augmenté au cours du diabète : tétanos, zona chez les plus de 65 ans, hépatite B, VRS.

Des problèmes politico-pratiques
Pour vacciner, encore faut-il savoir où le patient en est de son calendrier vaccinal, et c’est là que le bât blesse. « La traçabilité de la vaccination, faute de DMP en vigueur pour tous les patients, est un vrai problème, qu’il y a urgence à résoudre », estime la Pr Sultan. Va également se poser la question de revacciner contre le Covid-19 : il n’y a pas encore de consigne particulière pour les personnes vivant avec un diabète et pas de données d’efficacité dans ce groupe de population, mais le fait est qu’être diabétique aggrave le risque de faire une infection à coronavirus sévère, et c’est encore pire en cas de comorbidités. Sur le plan pratique, les trois vaccins (contre la grippe saisonnière et le pneumocoque dans un premier temps, puis contre le Covid) peuvent être réalisés à quelques jours d’intervalle.
À côté de la non-généralisation du DMP, un autre frein à une meilleure couverture vaccinale des personnes vivant avec un diabète est le fait que « les généralistes n’ont plus la possibilité d’avoir les vaccins dans leur réfrigérateur et donc de vacciner directement leurs patients en consultation, pendant qu’ils les ont sous la main. Et ce n’est pas mieux à l’hôpital, lequel doit débourser pour ces vaccins : ce n’est donc pas proposé dans la plupart des CHU, sauf urgence », s’insurge la Pr Sultan.

Dr Nathalie Szapiro
avec la Pr Ariane Sultan (CHU Lapeyronie, Montpellier)