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Resmetirom dans le traitement de la stéatohépatite métabolique associée à une fibrose hépatique : résultats de l’essai contrôlé, randomisé, de phase 3 MAESTRO-NASH

Auteur : 
Blandine Tramunt
Date Publication : 
Mars 2024
 
Article du mois en accès libre
 
Harrison SA & al., A Phase 3, Randomized, Controlled Trial of Resmetirom in NASH with Liver Fibrosis. N Engl J Med. 2024 Feb 8;390(6):497-509. doi : 10.1056/NEJMoa2309000

 

En décembre 2023, dans ce même Coin de la Biblio SFD, nous abordions les résultats de l'essai MAESTRO-NAFLD-1, essai contrôlé, randomisé, de phase 3 paru dans Nature Medicine évaluant la sécurité et la tolérance du Resmetirom dans la prise en charge des hépatopathies métaboliques (HM) [1]. Pour rappel, le Resmetirom est un agoniste sélectif du récepteur aux hormones thyroïdiennes ß (THRß), principal isoforme exprimé au niveau hépatique. Au cours de la stéatohépatite métabolique, le récepteur THRß présente une altération fonctionnelle conduisant à une diminution de la fonction mitochondriale et de la b-oxydation des acides gras et à une majoration de la fibrose hépatique. Cela explique pourquoi cibler THRß a été identifié comme potentielle stratégie thérapeutique des HM [2,3]. Ainsi, le Resmetirom a montré son efficacité dans la prise en charge des HM dans des essais de phase 2 ainsi qu’une bonne sécurité et une bonne tolérance versus placebo dans l'essai de phase 3 MAESTRO-NAFLD-1 précédemment rapporté [1,4,5].

Venant compléter le programme de développement du Resmetirom, la présente étude MAESTRO-NASH évalue l'efficacité et la sécurité du Resmetirom à 52 semaines chez des adultes présentant une stéatohépatite métabolique avec fibrose confirmée par biopsie.

L’essai MAESTRO-NASH est un essai de phase 3, en double aveugle, randomisé versus placebo, mené sur 245 sites dans 15 pays et planifié pour une durée de 54 mois. Cet article rapporte les résultats de 966 patients à 52 semaines. Les critères d’inclusion étaient les suivants : patients adultes (âge ≥ 18 ans), présence d’au moins 3 des 5 facteurs de risque du syndrome métabolique selon la définition usuelle, évaluation par fibroscan dans les 3 mois précédents avec CAP ≥ 280 dB/m et élasticité hépatique ≥ 8,5 kPa, stéatohépatite associée à une fibrose hépatique évoluée et confirmée par biopsie. Une première biopsie hépatique était réalisée au début de l'étude puis une seconde était réalisée à la 52ème semaine (lecture centralisée par 2 experts anatomopathologistes indépendants), permettant de déterminer le NAFLD (Non alcoholic Fatty Liver Disease) Activity Score (évaluation de l’inflammation; score de 0 à 8, ≥ 4 pour inclusion) et le stade de fibrose (F0 à F4, ≥ F1 pour inclusion). Les patients étaient randomisés selon un ratio 1:1:1 pour recevoir soit du Resmetirom à la dose de 80 ou 100 mg, soit un placebo, en 1 prise quotidienne par voie orale. Au moins 50 % de l'ensemble des patients inclus devait présenter une fibrose de stade F3. Le poids et les doses d’agoniste du récepteur au GLP-1 devaient être stables depuis 3 et 6 mois avant la biopsie, respectivement. Les principaux critères d'exclusion étaient : la consommation d'alcool de plus de 20 g/jour pour les femmes et de plus de 30 g/jour pour les hommes, une hémoglobine glyquée de plus de 9% à l'inclusion et tout autre cause de maladie hépatique chronique. Deux critères primaires de jugement étaient évalués à 52 semaines : 1) résolution de la stéatohépatite sans aggravation de la fibrose, 2) diminution de la fibrose d'au moins un stade sans aggravation du NAFLD Activity Score. Différents critères secondaires de jugement étaient évalués comme la variation du LDL-cholestérol à 24 semaines après l'inclusion.

Entre mars 2019 et juillet 2021, un total de 1050 patients a été randomisé dont 955 avec une fibrose de stade F1B, F2 ou F3 répartis dans 3 groupes : 1) Resmetirom 80 mg pour 316 patients, 2) Resmetirom 100 mg pour 321 patients et 3) placebo pour 318 patients. Les caractéristiques cliniques étaient similaires entre les groupes. La majorité des patients était de sexe féminin (environ 57% dans chaque groupe), d'origine caucasienne (89,3%), avec une forte incidence des facteurs constituant le syndrome métabolique (hypertension pour 78,1%, dyslipidémie pour 71,3% et diabète de type 2 pour 67%). L'âge moyen (±écart type) était de 56,6±10,9 ans et l'IMC moyen était de 35,7±6,8 kg/m². À l’inclusion, les résultats des biopsies hépatiques mettaient en évidence un NAFLD Activity Score ≥ 5 pour 83,5% des patients et une fibrose F1B, F2 et F3 chez respectivement 5,1%, 33% et 61,9% des patients. Dans l'ensemble de la population, la résolution de la stéatohépatite sans aggravation de la fibrose était atteinte de manière significativement plus importante dans les groupes Resmetirom par rapport au groupe placebo (parmi 25,9% et 29,9% des patients respectivement dans les groupes Resmetirom 80 mg et 100 mg vs 9,7 % des patients dans le groupe placebo, p< 0,001 pour chacune des comparaisons au placebo). L'amélioration de la fibrose d'au moins un stade sans aggravation du NAFLD Activity Score était également atteinte de manière significativement plus importante parmi les patients recevant le Resmetirom quelle que soit la dose comparativement au placebo (24,2% et 25,9% vs 14,2% respectivement dans le groupe Resmetirom 80 et 100 mg vs placebo ; p< 0,001 pour chacune des comparaisons au placebo). L'analyse en sous-groupe (NAFLD Activity Score, âge, sexe, présence d’un diabète de type 2) ne retrouvait aucune différence. Les taux de LDL-cholestérol étaient significativement réduits à la 24ème semaine parmi les patients recevant le Resmetirom (-13,6% dans le groupe Resmetirom 80 mg et -16,3% dans le groupe Resmetirom 100 mg) alors qu'aucune diminution significative n’était observée dans le groupe placebo. Cet effet était maintenu à la 52ème semaine. Il en était de même pour les autres paramètres lipidiques (HDL-cholestérol, triglycérides ou Lp(a)). Concernant la sécurité d'emploi, la survenue d'effets indésirables (EI), majoritairement légers à modérés, était similaire entre les différents groupes (91,6%, 91,9% et 92,8% respectivement dans les groupes Resmetirom 80 mg, 100mg et placebo). Les EI étaient principalement gastro-entérologiques (diarrhées et nausées), catégorie d’EI survenant plus fréquemment dans les groupes Resmetirom à l'initiation du traitement. La survenue d'EI sévères était similaire entre les différents groupes de l'étude : 10,9% dans le groupe Resmetirom 80 mg, 12,7% dans le groupe Resmetirom 100 mg et 11,5% dans le groupe placebo. La survenue de cancer était rapportée chez 1,2% et 3,4% des patients dans le groupe Resmetirom 80 mg et 100 mg, respectivement, et chez 3,5% dans le groupe placebo. Aucun effet toxique hépatique lié au traitement n’a été observé.

Ainsi, ces résultats mettent en évidence la supériorité du Resmetirom 80 mg ou 100 mg par rapport à un placebo dans l’amélioration des paramètres histologiques hépatiques (inflammation et fibrose) après 52 semaines de traitement. Ces observations sont similaires entre les sous-groupes. La sécurité et la tolérance sont également démontrées dans cet essai en accord avec les précédents résultats de l’étude MAESTRO-NAFLD-1. Outre les paramètres hépatiques, le bilan lipidique est en amélioration dans les groupes traités par Resmetirom comparativement au groupe placebo. Ces éléments amènent à penser que le Resmetirom pourrait diminuer le risque cardiovasculaire de ces patients à très haut risque. Quelques limites sont néanmoins à souligner : 1) cette étude, basée sur des critères histologiques, ne permet pas d'évaluer l’efficacité du traitement quant à la survenue de critères cliniques tels que la mortalité toute cause, la mortalité d’origine hépatique ou l'évolution vers la cirrhose, 2) la sécurité à long terme, au-delà de 52 semaines de traitement, nécessite également d'être évaluée. Des études sont donc nécessaires pour évaluer d’une part, la sécurité à plus long terme et d’autre part, l’efficacité sur la survenue d’évènements hépatiques. Ce dernier point fait l’objet d’une étude spécifique, l’essai MAESTRO-NASH-Outcomes actuellement en cours [6].

Les résultats de l'essai MAESTRO-NASH viennent compléter les éléments précédemment publiés sur le Resmetirom et confirment son effet bénéfique sur des critères histologiques chez les patients présentant une stéatohépatite métabolique associée à une fibrose hépatique et ce quelle que soit la dose de Resmetirom. À la suite de la publication de ces résultats, le Resmetirom vient d’obtenir, le 14 mars dernier, l’approbation de la Federal Drug Administration (FDA) comme premier traitement de la stéatohépatite avec fibrose chez l’adulte. Une note d’espoir dans la prise en charge de ces patients et avec l’espoir d’y avoir rapidement accès en France. Une affaire à suivre !

 

Références

[1] Harrison, S.A. & al. Resmetirom for Nonalcoholic Fatty Liver Disease: A Randomized, Double-Blind, Placebo-Controlled Phase 3 Trial. Nat Med 2023, 29, 2919–2928.
 
[2] Kelly, M.J. & al. Discovery of 2-[3,5-Dichloro-4-(5-Isopropyl-6-Oxo-1,6-Dihydropyridazin-3-Yloxy)Phenyl]-3,5-Dioxo-2,3,4,5-Tetrahydro[1,2,4]Triazine-6-Carbonitrile (MGL-3196), a Highly Selective Thyroid Hormone Receptor β Agonist in Clinical Trials for the Treatment of Dyslipidemia. J Med Chem 2014, 57, 3912–3923.
 
[3] Hutchison, A.L. & al. Endocrine Aspects of Metabolic Dysfunction-Associated Steatotic Liver Disease (MASLD): Beyond Insulin Resistance. J Hepatol 2023, 79, 1524–1541.
 
[4] Harrison, S.A. & al. Resmetirom (MGL-3196) for the Treatment of Non-Alcoholic Steatohepatitis: A Multicentre, Randomised, Double-Blind, Placebo-Controlled, Phase 2 Trial. Lancet 2019, 394, 2012–2024.
 
[5] Harrison, S.A. & al. Effects of Resmetirom on Noninvasive Endpoints in a 36-Week Phase 2 Active Treatment Extension Study in Patients With NASH. Hepatol Commun 2021, 5, 573–588.
 
[6] Harrison, S.A. & al. Design of the Phase 3 MAESTRO Clinical Program to Evaluate Resmetirom for the Treatment of Nonalcoholic Steatohepatitis. Aliment Pharmacol Ther 2024, 59, 51–63.